Là où tombent les anges

De Charlotte Bousquet, je connaissais la BD Rouge tagada et la série qui a suivi. Et puis une de mes anciennes collègues a posé là où tombent les anges sur mon bureau en me disant “je viens de lire ce bouquin, c’est un gros coup de coeur, et je suis sûre que tu vas adorer”. Et elle a eu raison.

là où tombent les anges

Solange, Lili et Clémence. En 1912, ces trois couturières découvrent la vie parisienne. Solange épouse Robert Maximilien, qu’elle n’aime pas et qui est tyrannique mais qui lui apporte un certain confort. Elle s’occupe de sa vieille tante maussade. Lili, audacieuse et joyeuse, se produit comme chanteuse dans les cabarets. Clémence, jeune ouvrière, tombe éperdument amoureuse de Pierre. Mais la guerre arrive…

« La France est en guerre. La France a besoin de ses généraux pour gagner, de ses hommes pour se faire tuer et de ses femmes pour fabriquer les armes. C’est un mécanisme bien huilé. Et ni les Pierre ni les Clémence ni les Lili ni les Solange ne sont assez puissants pour l’enrayer. »

On est immédiatement plongé dans ce début du XXe siècle. Les extraits de journaux ou d’écrits d’époque qui ouvrent les articles contribuent à nous mettre dans l’ambiance. On parle un peu du front, mais surtout de ce qui se passe à l’arrière.

Et donc, surtout, de ce que vivent les femmes. Des bourgeoises, des ouvrières d’usines de munition, des veuves de guerre, des artistes, des journalistes… Tout le monde se croise dans ce livre. L’alternance de narration à la troisième personne, d’écrits de journaux intimes, de lettres échangées entre elles ou avec leurs hommes aux front nous permet de comprendre chacune, avec leurs angoisses, leurs choix et leurs contraintes.

Je crois que depuis que nous avons lancé le groupe Maternités Féministes, je m’intéresse de plus en plus aux témoignages de femmes, au vécu des femmes. Et même si on est ici dans la fiction (avec l’apparition de quelques figures historiques), c’est ce qui m’a le plus plu dans ce livre : suivre l’évolution de ces femmes. En particulier de Solange, qui a fui un père violent pour se retrouver sous la coupe d’un mari abusif, mais qui peu à peu va trouver la force d’écrire sa propre voix. J’ai trouvé ce personnage superbe, et ne l’ai pas du tout lu de la même manière que cette lectrice.

Au delà des destins individuels, ce roman est passionnant sur la condition féminine à l’époque, sur l’émergence d’un mouvement féministe.

« Le problème, c’est qu’aucun de vos droits n’est acquis (…). Votre pays vous craint. Jusqu’à ce que la guerre éclate, vous n’étiez que de petits êtres fragiles et innocents. Quand les hommes sont partis, vous avez pris leur place : vous avez dévoilé votre jeu. Vous n’êtes ni frêles ni dépendantes. Et vous êtes aussi compétentes qu’eux. Si j’étais eux, je serais un peu effrayée, tout de même… »

Et a, je trouve, des échos forts avec ce que nous vivons aujourd’hui. Je pense par exemple à ce passage sur une grève des couturières et ce qu’en dit Solange : « Les quotidiens évoquent la grève des midinettes avec une bienveillance teintée de condescendance : “ruée joyeuse”, “envolée”, les couturières qui protestent contre la vie chère et le samedi chômé sont considérées comme de jolies oiselles par les journalistes, non comme de vraies manifestantes. (…). C’est vrai qu’elles sont jolies et pimpantes, les cousettes, mais cela m’agace de lire partout cela. En même temps, je crois que c’est pour elle la meilleure façon de gagner la sympathie des gens. Légères, gentilles et grévistes. Cela sonne moins austère et moins menaçant que “revendicatrices et rebelles”»

Mais il ne faut pas limiter ce roman à un exposé sur la condition féminine, c’est avant tout un texte où le souffle romanesque est puissant, où on s’attache aux personnages, où on tremble pour certains d’entre eux. J’ai été émue aux larmes à certains passages. Un roman qu’on a du mal à lâcher.

C’est un coup de coeur.

Et comme on me pose souvent la question de l’âge… Ce roman est publié dans une collection pour grands ados. Et je pense en effet qu’il n’est pas destiné à des ados trop jeunes, d’un part en raison de la violence présente dans le texte (viol, descriptions dures du front…), mais aussi parce qu’on suit des adultes, et non des adolescents, avec leurs questionnement d’adultes. Je pense qu’on peut le conseiller à partir de 14-15 ans, ainsi qu’aux adultes.

Si vous voulez en lire plus sur ce roman, voilà la chronique de Sophie Pilaire.

Lectures d’été

Récemment (enfin presque), sur instagram, @annelefevre me demandait une liste de livre à lire sur la plage. J’étais un peu embêtée. Déjà parce que 90% de mes lectures sont des romans pour ados et même si je milite pour en faire lire aussi aux adultes, je ne les conseille pas de la même manière. Et puis parce que j’ai très très peu lu cette année, et que j’ai donc peu de livres “validés” à conseiller.

En revanche, j’ai… quelques envies de lecture pour moi.

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Comment ça c’est trop pour 15 jours de vacances en famille ?

Alors j’ai décidé de faire un article mélangeant conseils à partir de mes lectures mais aussi à partir de mes envies ! Allons-y par genre.

Littérature générale

J’aime beaucoup, en ce moment, ce que fait la collection X’ de chez Sarbacane. C’est une collection pour (grands) ados, mais j’y pioche souvent aussi dans mes conseils pour les adultes. J’ai eu récemment un gros coup de coeur pour Dysfonctionnelle d’Axl Cendres. C’est à la fois complètement loufoque et réaliste. A la fois hilarant et triste. A la fois léger et grave. Doux-amer. Sans que l’un l’emporte sur l’autre. Et sans jamais que ça paraisse fabriqué. (oui, je m’autocite. C’est pour avoir une chance de publier cet article avant de partir).

J’ai adoré le premier roman que j’ai lu de Marion Brunet aussi, Frangine. J’avais adoré la délicatesse de son écriture et sa manière d’aborder avec tact un sujet d’actualité sensible. Et pour les vacances j’ai craqué pour son dernier, dans le désordre. L’histoire d’une bande de jeunes gens engagés, entre manifs et vie en squat. Une histoire d’engagement et une histoire d’amour. Là encore, on retrouve une actualité brulante, je trouve.

dans le désordre

Et toujours dans les “envies” dans cette collection, je ne vous ai pas encore parlé des petites reines de Clémentine Beauvais, mais j’ai beaucoup aimé, et j’attends avec impatience son roman qui sort fin août, songe à la douceur, écrit uniquement en vers.

Fantasy

Que celles et ceux qui ne l’ont pas encore lu se réjouissent, ils vont découvrir un bijou. La série la passe-miroir de Christelle Dabos.

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J’ai lu le tome 2 récemment, et comme pour le tome 1, j’ai été emportée, j’ai vibré, je l’ai dévoré et j’attends avec la plus grande impatience le tome 3.

Je l’ai fait lire à des ados, à des adultes, à des gens qui n’aiment pas la fantasy… Tous l’ont adoré. Lancez-vous sans crainte !!

Je l’ai découvert dans un article de télérama, parce qu’il avait gagné le concours du Premier Roman Jeunesse organisé par Gallimard Jeunesse, Télérama et RTL. Du coup, j’ai prévu de lire cet été le gagnant de l’édition suivante, les mystères de larispem de Lucie Pierrat-Pajot, dont l’ambiance rétro-futuriste m’attire beaucoup.

mystères de larispem

Science-fiction

J’en lis peu. Je peux cependant vous conseiller deux livres dans des univers très différents.

Silo de Hugh Howey. ““Dans un futur postapocalyptique indeterminé, une communauté d’hommes et de femmes a organisé sa survie dans un silo souterrain géant. Du monde extérieur, devenu hostile, personne ne sait rien, sinon que l’athmosphère y est désormais irrespirable”. J’ai prévu de lire le tome 3 cet été, n’hésitez pas à vous lancer dans cette trilogie très prenante. Si vous aimez les pavés (chaque tome fait au moins 600 pages).

Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, dont la lecture m’a beaucoup marqué. Deux savants ont mis au point un traitement qui décuple l’intelligence, ils le testent sur une souris, Algernon. Devant le succès, ils décident d’appliquer leur découverte sur Charlie Gordon, handicapé mental. L’opération ne va pas le rendre subitement intelligent, mais va lui permettre de progresser, d’apprendre très rapidement. Et il va écrire son journal.

Policier

Bizarrement, rien de prévu dans ce genre là, alors que j’en ai lu énormément à une époque. Sans doute parce que mon père n’est plus là pour m’en conseiller. Mais je sais que si j’ai envie de polar prenant et vite lu, je pioche chez Michael Connelly. Et si j’ai envie de quelque chose de plus profond/riche, je pioche chez Dennis Lehane. Actuellement, j’ai très envie de relire un dernier verre avant la guerre et le reste de la série où enquêtent Kenzie et Gennaro, que j’ai lu ado.

Essai

Là, c’est le côté féministe qui ressort !

Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés : “Chaque femme porte en elle une force naturelle, instinctive, riche de dons créateurs et d’un savoir immémorial. Mais la société et la culture ont trop souvent muselé cette « Femme sauvage », afin de la faire entrer dans le moule réducteur des rôles assignés. Psychanalyste et conteuse, fascinée par les mythes et les légendes, auteur également du Jardinier de l’éden, Clarissa Pinkola Estés nous propose de retrouver cette part enfouie, pleine de vitalité et de générosité, vibrante, donneuse de vie.”

C’est un cadeau qui m’a beaucoup touché, et le fait qu’elle raconte et analyse de nombreux contes m’attire énormément. Je ne suis pas certaine d’adhérer à tout, mais j’ai hâte de m’y plonger.

Les mots des mères du XVIIe siècle à nos jours d’Yvonne Knibiehler et Martine Sagaert, je l’ai bien sûr acheté en pensant à Maternités Féministes. J’aime l’idée qu’on s’intéresse à ce que les femmes ont écrit sur la maternité et qu’elles s’intéressent à l’époque contemporaine et pas seulement à l’histoire. Je sens que ce livre va beaucoup m’enrichir.

Bonne lecture ! Moi si j’arrive à en lire 3 je serai déjà contente !!!

Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh

Il parait que la bouseuse ne sait pas très bien parler de ce qu’elle aime et que quand elle conseille quelque chose, il faut le lire sans demander pourquoi elle le propose. Je confirme puisque c’est par elle que j’ai entendu parler de ce livre. Quelques jours plus tard, quelqu’un l’a rendu à la bibliothèque et au lieu de le ranger, je l’ai mis dans mon sac.

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Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh (allez faire un tour sur son blog, il est chouette !).

“La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus.” (4e de couverture). Un coup de foudre pour une femme croisée dans la rue, et qu’elle retrouvera par hasard quelques temps plus tard.

C’est le journal intime de Clémentine que l’on découvre. Ses rêves, sa vie d’ado. Ses doutes. Comment réagir quand ce qu’on ressent va à l’encontre de ce qu’on avait imaginé, des préjugés qui nous ont été inculqués ? Comment réagir face à un entourage hostile ?

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Les dessins sont essentiellement en noir et blancs, relevés par des touches de bleu. Puisque dans son journal “il y a là tous mes souvenirs d’ados teintés de bleu. Bleu encre, bleu azur, bleu marine, bleu Klein, bleu cyan, bleu outremer… Le bleu est devenu une couleur chaude.”

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Comme je vous le disais , j’ai adoré cette BD. J’ai trouvé le ton très juste. Même si la BD consacre une part importante à l’homophobie de la société, à la douleur du rejet de la part de ses proches, ce qui m’a le plus touché c’est le cheminement intérieur de Clémentine, la difficulté à s’accepter telle que l’on est quand celle que l’on est n’est pas celle que l’on imaginait.

Et c’est une très belle histoire d’amour.

“Je veux tout faire avec toi. Tout ce qu’il est possible de faire en une vie”.

Volte-Face de Michael Connelly

Moi qui pensais que je n’aurai pas une seconde pour ça, je lis beaucoup depuis la naissance du magicien. Dès qu’il ferme un oeil, son père et moi on en profite soit pour faire la sieste, soit pour prendre un bon bouquin.

Et ça tombe bien, étant donné que j’avais fait quelques réserves au cas où le magicien ne serait pas pressé (après tout il ne devait naitre qu’hier). J’ai donc pu finir le tome 4 de l’intégrale du trône de fer avant de dévorer en moins de deux jours Volte-Face de Michael Connelly.

Michael Connelly est un auteur de polars que j’adore. J’ai découvert Harry Bosch, son héros, quand j’avais 15 ou 16 ans, sur les conseils de mon père (le fait de partager ces lectures avec lui contribue grandement au plaisir!). Et j’ai dévoré tous les romans où il apparaissait.

Autant j’ai ADORÉ les premiers, autant j’ai été un peu déçue par les derniers, en particulier A genoux et l’épouvantail. Je ne sais pas si c’est parce que Connelly est moins bon, qu’il commence à trop tirer sur la corde ou à avoir du mal à faire original (l’épouvantail est une copie du Poète en moins bien) ou si c’est parce que j’ai muri, grandi, lu beaucoup de polars et que je suis devenue plus exigeante.

Mais il reste quand même à mes yeux une valeur sûre pour me prendre dans la lecture et me faire lire 500 pages en 24h. Et la collaboration étroite entre Mickey Haller (que j’avais beaucoup aimé dans la défense Lincoln, moi qui suis généralement plutôt réticente quand Connelly fait des infidélités à Harry Bosch) et Harry Bosch m’a fait saliver…

Donc Volte-Face :

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Résumé Electre : Le procureur de Los Angeles fait appel à Mickey Haller, avocat renommé, dans le but de remettre en prison Jason Jessup, condamné pour le meurtre d’une petite fille mais relâché suite à une analyse ADN qui semble l’innocenter. Epaulé par Harry Bosch et Maggie McPherson, Haller affronte Clive Royce, autre ténor du barreau, dans un contexte de scandale attisé par les médias. Or Jessup se livre à d’étranges agissements nocturnes.

Les chapitres alternent le point de vue de Mickey Haller (à la première personne) et de Harry Bosch (à la troisième personne), et donc le récit du procès de Jason Jessup et l’enquête policière. Comme d’habitude chez Connelly, c’est efficace et très prenant (au point que j’ai passé une bonne partie de la journée avec le magicien d’un côté et le livre ouvert de l’autre parce que je n’arrivais pas à le lacher). Les longs passages de description de procès en ont agacé certains, moi j’ai trouvé intéressant la manière de décortiquer le procès, l’analyse de la stratégie de l’accusation, aussi bien sur le fond que sur la forme (la volonté de finir la journée sur tel élément par exemple, afin de laisser telle impression aux jurés).

Le rapport entre les différents personnages est intéressant. On voit Bosch évoluer, influencé par son nouveau rôle de père à temps plein, et donc ses nouvelles responsabilités. La gestion pas évidente des rapports entre travail et vie personnelle (Maggie est l’ex-femme de Haller et Bosch est son demi-frère, ce qu’ils ont découvert récemment) est au coeur du roman. Le personnage de Maggie prend de l’importance dans ce roman. C’est une femme forte et intelligente qui m’a beaucoup plu.

Malgré ces aspects positifs, quelques réserves. D’une, le style. Je ne sais pas si c’est l’écriture de l’auteur ou la traduction (je penche pour la seconde hypothèse), mais certaines phrases étaient un peu bancales et m’ont vraiment agacée.

Et puis je n’ai pas été convaincue par la fin, que j’ai trouvée un peu baclée. Même si j’apprécie, comme souvent chez Connelly, le fait que les personnages doivent affronter leurs responsabilités, leurs erreurs peut être, et accepter de ne pas avoir de réponses à toutes leurs questions.

Dernier point de détail, je ne suis pas convaincue par l’édition chez Calmann-Levy, je préférais quand Connelly était édité au Seuil : plus jolies couvertures, meilleure qualité de papier… Je trouvais la lecture plus agréable !

Malgré tout, j’ai été prise dans l’intrigue et je me suis régalée à retrouver et voir évoluer des personnages que j’aime !

Il était une fois les filles… de Patrick Banon

il était une fois les filles

Il y a quelques temps, nous avons reçu à la bibliothèque l’affiche reprenant l’illustration de couverture de ce livre. Et j’ai été très intriguée par cette magnifique illustration d’Anne-Lise Boutin, et j’ai cherché à en savoir plus.

Et je suis tombée sur ce livre assez passionnant, publié chez Actes Sud Junior. Patrick Banon y décripte les mythes qui ont contribué à créer l’inégalité entre hommes et femmes, et qui laissent encore des traces dans la société contemporaine.

Résumé de l’éditeur : l’auteur décrypte les mythes et les religions et parvient à en dégager les stéréotypes qui fondent ce qu’il nomme une “mythologie de la différence”. Celle-ci a, depuis toujours, légitimé une vision utilitaire des femmes, destinées dès la naissance par les hommes à leur propre reproduction. Fonder une nouvelle mythologie égalitaire n’est pas si facile… L’auteur est en effet spécialisé en science des religions. Pour en savoir plus, c’est ici (vous pouvez même feuilleter les premiers chapitres du livre).

Je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans ce livre. Même s’il est publié dans une collection destinée à la jeunesse, cet ouvrage est tout aussi adapté aux adultes et je ne le conseillerai pas à des jeunes de moins de 14-15 ans. Les explications sont riches, les encadrés utiles, et le thème même du livre fascinant. Les (très) courts chapitres rendent la lecture facile (même si l’on souhaiterait parfois plus d’exemples ou le développement de certains arguments).

C’est une excellente réponse à ceux qui lient situation traditionnelle des femmes (liées au foyer, à l’éducation des enfants) et nature. Patrick Banon montre qu’il s’agit bien d’une construction culturelle, même si elle est très ancienne.

Pour résumer (très rapidement) ce qu’il dit :

Pendant longtemps, les femmes ont été liées au foyer alors que les hommes se réservaient la vie publique. Cela a encore une influence certaine dans la société actuelle, en Europe mais encore plus dans le reste du monde. D’où est-ce que cela vient?

Patrick Banon se penche sur l’apparition de l’agriculture, moment où tout bascule. En effet, auparavant, la femme représentait à elle seule la fécondité et le lien avec le divin. Mais “la révolution agricole et la sacralisation de la terre donnent à la procréation une place centrale dans les nouvelles religions émergentes : (…) “Croissez et multipliez!” (…) les femmes se retrouvent au coeur d’un système de pensée qui les asservit en les maintenant dans le rôle de matrice. Puis un arsenal de contrôle se met en place”. “Les mythes qui font de la femme une terre à conquérir et à labourer attribuent à l’homme la mission de perpetuer la “race masculine””. Paradoxalement, donc, cette période entraîne à la fois la sacralisation et l’asservissement de la femme. Cela explique l’importance de la virginité de la femme, des mariages contrôlés par les hommes, du maintien de la femme dans l’espace intérieur. La femme est la matrice de l’immortalité de l’homme, puisqu’elle portera ses fils, mais elle est elle-même “le début et la fin de sa propre existence, puisque la seule filiation reconnue est masculine”. Les facultés reproductives de la femme deviennent la propriété du mari, ce qui explique l’importance accordée à la virginité féminine. Cela sera repris par la suite par les trois religions monothéistes.

Va également se développer l’idée que la femme est par nature inférieure à l’homme. Parce qu’alors que l’homme a été créé à l’image de(s) Dieu(x), la femme a été créée à l’image de l’homme (mythe de Pandore, création d’Eve à partir d’une côte d’Adam). Aristote défend l’idée selon laquelle la femme serait un homme imparfait, voire inachevé. L’homme est considéré d’essence divine, la femme d’essence terrestre. L’église catholique va d’ailleurs très sérieusement s’interroger sur l’humanité de la femme : a-t-elle une âme ? La femme, rapidement rendue responsable des fautes de l’humanité (boite de Pandore, péché originel) doit donc être étroitement contrôlée par l’homme. Il est intéressant de voir à quel point cela fait l’unanimité, quelque soit la culture ou la religion (premières épopées en sanscrit, antiquité gréco-latine, judaïsme, christianisme, islam…).

Ces théories antiques, archaïques, vont avoir des conséquences très concrètes tout au long de l’histoire, et jusqu’à aujourd’hui : pieds bandés des chinoises, excision, dissimulation du corps de la femme.

L’auteur conclut en invitant à remettre en cause les rôles tels qu’ils ont été définis et à fonder l’organisation du monde sur “la dynamique de la différence, qu’elle s’exprime entre masculin et féminin, entre étranger et autochtone ou entre croyant et athée”.

Et pour finir, quelques illustrations d’Anne-Lise Boutin, aussi belles que troublantes :

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Toi aussi tu adores ces illustrations ? 

Qu’est-ce que tu penses des explications de l’auteur ?

L’importance d’être Constant d’Oscar Wilde

Il y a en ce moment, à la bibliothèque, toute une effervescence autour d’Oscar Wilde : on vient d’acheter l’intégrale de son oeuvre, on prépare des sélections, y compris en jeunesse… Un peu honteuse de n’avoir rien lu de lui, en dehors du Fantôme de Canterville, lu au collège, et dont je ne garde aucun souvenir, j’ai décidé de me rattraper. J’ai choisi de lire l’importance d’être Constant, et je me félicite de ce choix !

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Résumé :

Jack, gentleman anglais, s’est inventé un jeune frère, Constant, et prend cette identité lorsqu’il se rend à Londres, afin de profiter librement des plaisirs de la ville avec son ami Algernon. Il s’éprend de Gwendoleen, jeune femme charmante qui accorde une grande importance au prénom de son prétendant. Quant à Algernon, il se rend chez Jack à la campagne en reprenant l’identité de Constant, afin de rencontrer sa délicieuse pupille, Cecily.

Quiproquos, imbroglios et révélations surprenantes, on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de cette pièce !

Mais c’est surtout la vivacité des dialogues, leur intelligence et leur ironie qui m’ont plu. J’ai lu l’oeuvre en traduction, mais ça vaut le coup, à mon avis, de jeter au moins un coup d’oeil à l’oeuvre originale (d’ailleurs la pièce est publiée en édition bilingue chez Garnier Flammarion).

Tous les personnages se caractérisent par leur extraordinaire sens de la répartie.

La vision de la société est très acerbe. A travers des petites phrases assassines. Par exemple, le rapport que les deux jeunes filles entretiennent avec leur journal intime m’a particulièrement fait rire :

Cécily : “vous voyez, ce sont simplement les notes où une toute jeune fille marque ses pensées et ses impressions, et par conséquent, c’est destiné à être publié”.

Gwendoleen : “je ne voyage jamais sans mon journal. On doit toujours avoir quelque chose de sensationnel à lire dans le train”.

Bref, un vrai plaisir !

Voilà l’exemple même qu’un “classique” peut être tout sauf ennuyeux!

L’image utilisée pour illustrer cet article est une adaptation de cette pièce par Oliver Parker, avec Rupert Everett, Colin Firth, Reese Witherspoon, Frances O’Connor et Judi Dench, que j’ai vue il y a longtemps, mais dont je garde un excellent souvenir.

J’aimerais vraiment voir cette pièce au théâtre !

Et toi, tu l’as déjà lu ou vu ?

Le scandale Modigliani de Ken Follett

3h de TGV pour rentrer à Paris, et un «inédit» de Ken Follett au Relay de la gare, je craque ! D’autant plus qu’il parle du monde de l’art et d’un de mes peintres préférés !

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De quoi ça parle : une étudiante en histoire de l’art découvre par hasard l’existence d’un tableau inconnu de Modigliani. Elle se lance aussitôt à sa recherche, bientôt suivi par un détective envoyé par son oncle, galeriste influent, et d’un jeune galeriste qui veut se faire connaître.

Mon avis :

J’ai été un peu déçue. Je l’ai lu sans déplaisir : le rythme est entrainant, le style agréable. Mais j’ai trouvé que les personnages étaient survolés et peu attachants. Sans doute parce que j’aime chez Follett ses pavés, me plonger dans une épopée de 600 pages, où l’on prend le temps de s’attacher à une dizaine de personnages.

La description du marché de l’art n’apporte pas grand-chose, surtout vingt ans après (l’action se déroule dans les années 1980). On reste là encore en surface. D’ailleurs aucun des personnages ne s’intéresse vraiment à Modigliani, c’est uniquement une histoire d’argent ou de reconnaissance sociale.

Vivement que je trouve le temps de me plonger dans La chute des géants, qui traine sur mon étagère depuis un bon moment déjà !

Edit de septembre 2015 : je ne garde aucun souvenir de ce roman, mauvais signe !