Les mots du magicien

Le magicien parle beaucoup. Il raconte des histoires, en invente, pose 1000 questions à la seconde… Et il invente des mots, des expressions… Et je suis en admiration devant ses créations, qui sont aussi logiques que poétiques. J’avais envie d’en garder une trace…

Dans l’ascenseur : “quand on est coincé dans l’ascenseur, on appuie sur le bouton des larmes” (l’alarme, donc).

En chahutant avec son père, son père lui demande : “tu vas me délivrer ?” “Non, je t’ai enlivré” (fait prisonnier, donc).

En jouant avec son bus, il le fait monter et descendre : “Montélimar… Descend-Limar… Montélimar… Descend-Limar…”

“Cet escalier, il est fait en tenpapier” (Pirouette, cacahouète…)

“Je peux regarder un dessin allumé à la télé ?”

“J’ai un sucré pour toi. C’est bon, mais il ne faut pas le dire” (miam le secret qui se mange !)

En jouant avec ses lettres magnétiques : “si on met le M à l’envers, ça fait un W. Alors si on met le T à l’envers, ça fait un double T”.

 

Et aujourd’hui, sur le chemin du retour de l’école, il m’a raconté plein de choses. Voilà deux petites histoires qui m’ont particulièrement plu.

“Hier cette nuit, un souffle d’étoile a ouvert la fenêtre de ma chambre. Alors y’a plein d’étoiles qui sont rentrées dans ma chambre. Elles se sont accrochées aux murs, et elles ont brillé toute la nuit. Mais ce matin, elle se sont éteintes parce que sinon la journée ça fait trop de lumière.”

“J’ai un nouvel ami. C’est un enfant qui habite au 2e étage. Il ne veut que regarder la télé, il se lève et dit “je veux regarder un dessin allumé ou un film”. Mais son papa dit qu’on ne peut pas regarder la télé tout le temps. Son papa, il fait que étendre le linge et manger et jouer avec lui. Son papa c’est un hibou, sa maman c’est un ours, sa petite soeur c’est un lion. Et lui, c’est un crocodile”.

Voilà donc deux exemples que j’ai pris le temps de noter, mais des histoires comme ça, il en invente 10 par jour !

Que s’est-il passé ?

Il y a des livres qui sont aussi simples en apparence que riches et enrichissants au final. Le livre dont je vous parle aujourd’hui en fait partie : Que s’est-il passé ? de Nicolette Humbert (La Joie de Lire, 2014).

que s'est-il passé ?

Cet imagier se base sur un principe tout simple : pas de texte, simplement deux photos, et le titre du livre qui nous pousse à nous interroger : mais que s’est-il passé entre ces deux images ?

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Les photos sont belles, et les plus jeunes profiteront simplement des images de ce tout-cartonné.

Les enfants sont doués en lecture de l’image et attentifs aux détails. Ils repèrent souvent facilement les différences entre les deux images. Et la recherche “d’indices” est un jeu très amusant :

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Oh, le robot est tombé. Et le chat qui était à l’arrière-plan est devant. Le papillon s’est envolé. Pourquoi ?

imageEt là, où sont passées les pommes ?

Mais une fois qu’on a constaté la différence, il faut l’expliquer ! Deviner ce qu’il s’est passé, et qu’on ne voit pas. Et ce n’est pas si évident que ça pour les petits ! Lorsque j’ai montré ce livre au magicien, qui avait 3 ans tout pile, il répétait “mais que s’est-il passé ?” avec enthousiasme à chaque page, mais il lui a souvent fallu un peu d’aide pour déduire les évènements des différences qu’il constatait.

D’autant plus que si certains sont évidents, d’autres sont plus complexes.

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Celle-ci, par exemple, suppose de connaître le principe des marées, de comprendre que la mer est arrivée et repartie (l’écoute intensive de Bulle et Bob à la plage avait cependant permis au magicien d’intégrer que souvent, la mer emporte les châteaux de sable).

Le fait qu’il n’y ait pas de texte, pas d’explication laisse aux enfants une grande liberté. Parce que même si, en tant qu’adulte, on voit une explication “logique”, qu’est-ce qui empêche d’imaginer que c’est un dragon qui a détruit le château ou des lutins qui ont grignoté les salades ? C’est un livre, pourquoi l’explication “logique” serait plus “vraie” que les autres ?

 

Ce livre est donc à la fois un jeu et un défi pour les enfants. Un livre qui pousse à la recherche d’indice, aux échanges, à la discussion.

Et aussi un livre met en scène de manière explicite un élément fondamental de l’album, mais aussi plus largement de la narration puisqu’on le retrouve dans les romans, les dessins animés et les films… L’ellipse. L’idée qu’on ne voit pas tout. Que la situation a évolué d’une image à l’autre, d’un passage à l’autre. Et qu’on peut, simplement grâce à cela, raconter une histoire. Et ça, c’est fascinant, non ?

Sur le fil

En ce moment, je vis sur le fil.
A l’équilibre entre une vie de famille heureuse et un cauchemar de cris, d’épuisement et de contraintes.
Un pas de côté, un engrenage qui se grippe, et je risque de tomber.
Et j’ai des enfants petits. Autant dire que les engrenages se grippent facilement. Un bébé enrhumé qui se réveille du coup toute les heures la nuit, un grand qui fait une crise en se roulant par terre à un moment où il faut partir. Un énième repas qui se passe mal. Le passage en une seconde d’un moment calme au “double enfer des bichons” (l’expression est de ma belle-sœur qui a des enfants à peu près du même âge…).
Alors dire que je vis sur le fil, quelque part, c’est un peu faux.
Je suis plutôt violemment ballotée d’un côté à l’autre de ce fil.
Et la fatigue augmente la rudesse de ces changements.
j’ai l’habitude des changements d’humeur, de passer de périodes un peu euphoriques à des périodes plus difficiles. De vivre des périodes où tout me semble insurmontable, où je suis triste, sans raison particulière, où tout me semble une épreuve. Ma grand-mère résume cela par “on est fragile dans la famille”. A l’adolescence, j’avais l’impression que je ne sortirais jamais de ces phases. Depuis, j’ai appris à mieux me connaitre, à savoir que ce n’était que passager, que mon moral allait remonter. Que je n’avais pas besoin de lutter ou de m’épuiser, que les choses allaient peu à peu aller mieux. Mon entourage s’est habitué aussi, même si c’est souvent encore difficile pour l’amoureux, qui ne fonctionne pas du tout comme moi.
Alors j’essaye de relativiser.
C’est parfois difficile en ce moment.
La fatigue complique les choses. Et si j’avais appris à appréhender ces moments, à les sentir arriver, je peux maintenant basculer de l’un à l’autre en une minute.
Alors au creux de la vague, j’ai parfois l’impression que ça n’ira jamais mieux. Il y a 15 jours, j’ai écris un texto à l’amoureux où je lui disais qu’avoir eu un deuxième enfant était une énorme erreur. Et j’ai commencé un article ici (que je n’ai heureusement pas publié) où j’expliquais que j’aimais ma fille de tout mon cœur, que je ne pouvais plus imaginer notre vie sans elle, mais que je n’étais pas capable de m’occuper de deux enfants.
Et puis…
Et puis c’est passé. L’amoureux m’a aidé, et le lendemain, je me suis levée, j’ai recommencé une nouvelle journée. En serrant les dents. Et peu à peu j’ai desserré les dents et trouvé des moments dont je pouvais profiter.
Et la semaine dernière, j’ai passé 2 jours parfait avec les enfants. Oh je me suis parfois agacée, énervée, j’ai peut être crié un peu, mais j’ai profité des moments avec eux, du spectacle auquel je les ai emmené, de la joie du magicien dans le métro avec une copine, de l’histoire que je lui ai lu, du “bateau sur l’eau” avec la puce. J’étais contente de les regarder, contente d’être avec eux. Et les jours où je bossais, j’étais tellement heureuse de les retrouver le soir.
Aujourd’hui, je suis repassée du mauvais côté du fil. Et j’ai hurlé de toute mes forces sur le magicien, qui a répondu en tentant de crier plus fort que moi. J’ai crié à en avoir la tête qui tourne. Puis j’ai pleuré. Je m’accroche pour trouver une solution pour repasser de l’autre côté. Et j’espère que je vais y arriver rapidement.
Et que ces moments de basculement ne sont dus qu’aux difficultés normales d’une mère de deux jeunes enfants, et pas à quelque chose de plus difficile à réparer.
J’y consacre toute mon énergie. Et sans doute plus d’énergie que j’en ai. J’ai du faire des croix sur des choses que je trouvais importantes, je ne suis plus capable de prendre une décision ni d’anticiper quoi que ce soit, même des choses qui paraissent anodines (prendre un billet de train, prévoir une sortie). C’est souvent frustrant, ça me met parfois en colère. Mais c’est important. Et je n’ai pas vraiment le choix.
Et j’espère que très vite, je retrouverai de manière beaucoup plus durable le bon côté du fil et que je trouverai, à nouveau, que la vie est douce.
Edit du 6 mars : j’ai publié cet article un jour difficile. Il est sans doute plus sombre que ce que je vis. Les bons moments, le positif, l’emportent sur le reste, et mes craquages durent rarement plus d’une journée. Dès le lendemain, d’ailleurs, j’ai retrouvé l’énergie et la bonne humeur nécessaire. On est allés au théâtre avec le magicien et des copines à lui, on a mangé chez nos voisins/copains et on a même réussi à manger entre adultes pendants que les enfants jouaient tranquillement dans la chambre. La puce s’est mise debout toute seule dans son lit pour la première fois. Le magicien a vu la neige pour la première fois, et on a attrapé des flocons en tendant un parapluie ouvert par la fenêtre. Et c’était chouette.